Phnom Penh
Après un réveil brutal à Kep, du style ouverture des yeux, check de l’heure… « Ho putain Thomas il est 7h22, le pick-up pour le bus est à 7h40 » nous prenons le bus direction Phnom Penh, la capitale du pays.
Longtemps connue comme La Perle d’Asie, Phnom Penh a malheureusement perdu de sa splendeur sous le régime de Pol Pot.
Nous pouvons voir deux côtés de cette ville :
- Une capitale asiatique, à la Bangkok, un palais royal, ça grouille pas mal. Même nous ne jouons pas dans la même cour, il n’y a que 2 millions d’habitants ici, et surtout le Cambodge est beaucoup plus pauvre que la Thaïlande. Mendicité, enfants des rues, et prostitution (comme ailleurs ça) sont réellement présents.
- Je ne peux pas dire un patrimoine historique, mais nous dirons une des pires pages de l’histoire de l’humanité. Phnom Penh a été le théâtre des pires atrocités du régime Khmer Rouge, j’en ai une boule au ventre en écrivant, je ne sais pas si les nazis ont été aussi loin dans la barbarie. Pour lire la suite, je vous conseille d’avoir le cœur bien accroché.
Le palais royal
Alors là rien de méchant et de barbare, un joli palais royal, qui ne vaut pas celui de Bangkok, mais exactement dans le même style. Nous partons le visiter juste après notre arrivée avec Thomas.
La prison S21
C’est à partir de maintenant qu’on parle boucherie, mais pas une véritable boucherie comme dans la Cité de la Peur. Une boucherie, où on se demande comment des êtres humains peuvent atteindre un tel niveau de barbarie et d’atrocités.
La prison S21 était le centre principal de torture du régime Khmer Rouge. Elle occupait les lieux d’un ancien lycée construit par les français, mais laissé à l’abandon à l’arrivée du régime de Pol Pot, puisque toute forme de scolarité était désormais interdite.
A peine on met un pied dans l’enceinte de ce lieu, laissé en l’état, on sent une atmosphère qui se dégage, un certain mal-être s’installe
C’est la première fois que je voyais un panneau « Interdiction de rire »… Mais vu l’histoire du truc, ça ne donne pas vraiment envie de rire. J’arrive à prendre un ton léger sur pas mal de sujet, et à faire des petites blagounettes, mais là c’est tout juste impossible.
Nous prenons un guide pour la visite afin de comprendre au mieux ce qu’il a pu se passer ici.
Pour un peu saisir le principe, Pol Pot avait une devise « Mieux vaut tuer un innocent, qu’épargner un ennemi ». Ça plante le décor.
Toute personne suspectée d’être opposante au régime était capturée et amenée dans cette prison. Les pires atrocités, et les pires tortures étaient faites jusqu’à ce que les prisonniers avouent leur faute, ou déclare tout simplement quelque chose de faux, sous l’intensité des tortures. La délation était aussi un des objectifs des tortures. Une personne ayant des lunettes était considérée comme intellectuelle, et donc un risque pour le régime. C’est un exemple parmi tant d’autres d’une raison d’arrestation.
Il faut savoir qu’aucune personne rentrant dans cette prison ne pouvait survivre. Uniquement 7 personnes ont survécu à la prison, car incarcérés juste avant la chute du régime. Ils n’ont donc pas eu le temps d’y passer.
Un règlement en 10 actes devait être respecté par les prisonniers… Je vous laisse « apprécier » :
- Réponds conformément à la question que je t’ai posée. N’essaie pas de la détourner.
- N’essaie pas de t’échapper en prenant des prétextes selon tes idées hypocrites, il est absolument interdit de me contester
- Ne fais pas l’imbécile car tu es l’homme qui s’oppose à la révolution
- Réponds immédiatement à ma question sans prendre le temps de réfléchir
- Ne me parle pas de tes petits incidents commis à l’encontre de la bienséance. Ne parle pas non plus de l’essence de la révolution.
- Pendant la bastonnade ou l’électrochoc, il est interdit de crier fort.
- Reste assis tranquillement. Attends mes ordres, s’il n’y a pas d’ordre, ne fais rien. Si je te demande de faire quelque chose, fais-le immédiatement sans protester.
- Ne prends pas prétexte du Kampuchea Krom pour voilez ta gueule de traitre.
- Si vous ne suivez pas tous les ordres ci-dessous, vous recevrez des coups de bâton, de fils électriques, et des électrochocs (vous ne pourrez pas compter les coups).
- Si tu désobéis à chaque point de mes règlements, tu auras soit 10 coups de bâton, soit 5 électrochocs.
Voilà voilà… Dans ce règlement, on peut lire qu’il est interdit de crier fort sous la torture. Il faut savoir qu’il était tout simplement interdit de faire du bruit. Imaginez des prisonniers avec les pieds enchaînés (ça fait du bruit des chaines), torturés, donc souffrants, qui au moindre mouvement ou gémissement, se voient donc embarqués pour se refaire châtier. C’est à ce moment là je pense que tu as envie de mourir, et que tu es prêt à avouer n’importe quoi.
Les cellules classiques, ça doit faire 2 mètres carrés, pas de lit, rien, à même le sol, et à l'époque dans le noir
Et maintenant, après le récit, les images, qui quand vous êtes dans ces pièces où on peut encore voir des traces de sang sur les murs, vous mettent très mal à l’aise.
chaque prisonnier était photographié à son arrivée. J’ai essayé d’en prendre quelques-uns qui m’ont marqué. On arrive à comprendre la terreur et la détresse dans leurs regards…
les 7 seuls réscapés, dont un était peintre, et a reproduit après sa libération les horreurs qui existaient dans ce lieu
La potence, où les détenus étaient accrochés les bras dans le dos. Ils étaient immergés dans un liquide corrosif à la première perte de connaissance, pour les réveiller....
Pour donner un exemple, Céline (que nous avions laissé à Siem Reap, et qu’on a retrouvée ici) n’a pas pu finir la visite. Bon par contre nous avec Thomas, comme ça « ne nous a pas suffit », on part aux Killing Fields… Oui parce que la prison S21 n’était qu’un lieu de torture. Il n’y avait pas d’exécution à proprement parlé ici. Les prisonniers qui devaient être exécutés montait dans un camion, tel du bétail, et partaient à 15 km au Sud de la ville, au niveau des champs d’exécution.
Killing Fields
Ici, pas de torture, simplement des massacres. J’ai bien dit massacre, pas à la tronçonneuse, mais à tout ce qui passait sous la main. Les balles étant trop chères, et préservées pour la guerre, les exécutions se faisaient à coup bâton, machette, marteau, baillonette, pioche…. Ou tout ce que vous pouvez imaginer.
Chaque exécution se faisait au bord d’une fosse déjà remplie de cadavres. Une fois le coup donné, le corps tombait dans la fosse, au milieu des autres cadavres en décomposition. Un soldat était chargé de vérifier si le corps était mort, ou s’il fallait assigner un nouveau coup pour l’achever. Je pense aussi que certains ont juste perdu connaissance, et ont agonisé au milieu des autres corps en putréfaction.
Pol Pot ayant peur de la vengeance contre ses atrocités, lorsqu’une personne était arrêtée et donc destinée à mourir. Toute la famille l’était aussi. De la grand-mère, aux nouveaux nés, pas de quartier…
Les exécutants étaient pour la plupart des adolescents, endoctrinés dès le plus jeune âge, et dont la seule motivation était la peur de désobéir et de devoir passer de l’autre côté de l’arme…
Toute l’enceinte du Killing Field était bien évidemment protégée par de hauts murs afin que personne ne puisse s’avoir ce qu’il se passait à l’intérieur. De la musique révolutionnaire passait en boucle, accompagnée de bruits de moteur, pour masquer les cris des victimes. Et de grandes quantités d’insecticides (odeur des champs voisins) étaient répandues sur les cadavres en décomposition afin de dissimuler l’odeur de putréfaction. Ils pensaient à tout…
Toute la visite de ce lieu se faisait avec un audio guide très bien fait, qui nous permettait de comprendre au mieux ce qu’il se passait ici, où l’on apprend par exemple, que le chiffre de 300 tués par jour a été atteint à certains moments. Aujourd’hui, ce lieu est un lieu de recueillement et de souvenir, pour que ce génocide ne soit jamais oublié.
Le terrain affessé en raison des différents fosses présentes sous terre, d'où on peut voir ressortir de vieux vêtements et des ossements
The Killing Tree. L'apothéose de la barbarie ! C'est ici qu'on tuait les enfants et les nouveaux nés. Pas de balles, pas de machette ou autre... Ils les attrapaient par les pieds, et explosaient leurs crânes contre l'arbre. On retrouve des fragments crâniens, des dents partout autour de l'arbre. Quand le site a été découvert, des morceaux de cervelle gisaient sur le sol.
Monument rempli de 17 étages de crânes. 17 comme le 17 avril, date à laquelle Pol Pot a pris le pouvoir en 1975.
On peut se demander comment de telles horreurs ont pu être perpétrées pendant 4 ans sans que personne ne réagisse. Mais Pol Pot s’est attaqué à son propre peuple, aucune communication avec le monde extérieur n’était possible, et la communauté internationale et même les pays voisins étaient donc ignorants de ce qu’il pouvait s’y passer.
On pourrait parler longuement des horreurs commises sur Terre. Comment un tel génocide a pu avoir lieu, 30 ans après la Shoah, soit il y a moins de 40 ans. HIER sur la frise du temps ! Mais ce n’était malheureusement pas le dernier génocide, Milosevic en Yougoslavie, le Rwanda dans une chronologie beaucoup plus proche ou encore ce qu’il se passe aujourd’hui en Syrie ou en Centrafrique, ou même l’ignorance que nous avons des actes du régime nord coréen… Quelle réjouissance !
Voilà, j’en ai fini de bousiller l’ambiance. Sachez juste que malgré ça, le peuple cambodgien, dont chaque habitant a été touché de près ou de loin par ce génocide, est le peuple le plus souriant que j’ai pu rencontrer depuis que je suis parti. Les gens les plus adorables malgré leur pauvreté évidente. Voyager dans ce pays est une très belle leçon d’humanité. Je vous recommande grandement le Cambodge !!!!
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